La France fait figure de bonne élève en renforçant la réglementation des cryptomonnaies, avant la mise en vigueur du nouveau règlement de l'Union européenne. Quelles sont les procédures exigées pour exercer une activité dans le domaine des cryptomonnaies ? Comment obtenir le statut de PSAN, ce qui va changer à compter de juillet 2023 : découvrez un tour d'horizon complet dans cet article.
L'article 86 de la loi Pacte (loi de croissance des entreprises) du 22 mai 2019 introduit, au sein du Code Monétaire et Financier (CMF) un chapitre intitulé « Prestataires de services sur actifs numériques » (PSAN), véritable maitre d'œuvre de la régulation de la blockchain en France. Il définit ce que sont les crypto-monnaies et les tokens ainsi que le visa de l'Autorité des marchés financiers (AMF). En France, les entreprises cryptos qui souhaitent fournir de manière légale des services dans un des quatre domaines suivants doivent obtenir le statut de PSAN :
Dans les faits, ce sont toutes les plateformes d'échange qui sont concernées, dès qu'elles ont pour activité l'achat et la vente d'actifs numériques ou qu'elles détiennent les clés privées des investisseurs.
L'ordonnance du 9 décembre 2020 a fait évoluer le statut en y introduisant de nouvelles exigences relatives au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme, comme pour tout service financier.
C'est l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui octroie le statut en fonction de deux procédures possibles : l'enregistrement obligatoire, qui est le niveau le plus facile à obtenir, et l'agrément optionnel, avec un niveau d'exigences supérieur.
Les documents à fournir pour obtenir le statut sont relatifs à :
L'AMF procède aux vérifications de compétence et d'honorabilité, après réception du dossier, et doit recueillir l'avis de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans les trois mois. Elle doit notifier sa décision au demandeur dans un délai de six mois faisant suite au dépôt du dossier.
L'agrément PSAN n'est à ce jour pas obligatoire. Les entreprises ayant obtenu l'enregistrement peuvent exercer leurs activités en toute légalité. Par la suite, elles peuvent déposer une nouvelle demande pour obtenir l'agrément optionnel. À ce titre, certaines obligations supplémentaires sont relatives à l'organisation, à la gestion de l'activité et aux ressources financières. Le prestataire doit, entre autres obligations liées à un service donné : :
L'AMF a six mois pour informer le demandeur de sa décision, après avoir recueilli l'avis conforme de l'ACPR, dans un délai de deux mois suivant la réception du dossier.
L'obtention d'un agrément vise à garantir le sérieux de l'activité, et notamment les bonnes pratiques. Cependant, seul l'enregistrement reste la pierre angulaire de la réglementation, pour les activités numériques soumises à l'enregistrement obligatoire. Aucun PSAN n'a été agréé à ce jour par l'AMF. L'agrément difficile à obtenir pour les acteurs du domaine des crypto oblige à des conditions de fonds propres et d'assurance.
Une amende de 30 000 euros et deux ans de prison peuvent être prononcés en cas de violation des obligations. En cas d'insuffisance des obligations relatives au blanchiment d'argent ou à la lutte contre le financement du terrorisme, la sanction peut aller jusqu'à 100 millions d'euros et 10 % du chiffre d'affaires.
Soixante-neuf sociétés au total l'ont obtenu depuis la création du statut (juin 2023), dont Paymium mais deux ont été radiées par l'AMF, pour cessation de l'activité pour l'une et en raison de graves manquements de la gestion du portefeuille clients et des défaillances dans les dispositifs de lutte anti-blanchiment, pour l'autre.
Le récent scandale FTX (rappelons que FTX n'avait pas le statut de PSAN), en novembre 2022, dans lequel un dirigeant est accusé d'avoir utilisé, sans le consentement des clients, des fonds déposés sur la plateforme, pour des opérations financières risquées, a provoqué des réflexions quant au manque de contrôle du marché des cryptos. En janvier 2023, le sénateur Hervé Maurey avait proposé un amendement rendant obligatoire l'agrément pour les nouveaux entrants, dès le mois d'octobre 2023. L'association pour le développement des actifs numériques (ADAN) a dénoncé, face à ce durcissement, un calendrier trop serré, aucun acteur n'ayant pu à ce jour obtenir l'agrément. Un compromis a été trouvé, donnant lieu le 28 février 2023, à l'adoption par l'Assemblée nationale et le Sénat de nouvelles dispositions dans le cadre de la loi DADUE (dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne), instaurant de nouvelles règles à compter de juillet 2023. L'enregistrement actuel du PSAN, à cette date, sera renforcé et l'agrément repoussé à fin 2024, coïncidant avec la mise en place du règlement européen MICA (Markets in Crypto-Assets).
A compter de juillet 2023, la structuration de l'écosystème crypto et du Web 3 connait une nouvelle étape. Les exigences pour l'obtention de l'enregistrement PSAN sont renforcées, intégrant de nouvelles conditions pour respecter les règles futures de MICA, à son application fin 2024. Désormais, toute entreprise qui souhaite exercer dans le domaine des cryptos et qui n'est pas enregistrée avant le 1er juillet, devra répondre au régime de « l'enregistrement renforcé ». Quelles sont-elles ? Certaines règles spécifiques s'appliquent, en complément des obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme :
Ce nouveau régime ne s'applique pas aux entreprises enregistrées auprès de l'AMF, elles pourront continuer à exercer leur activité jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement européen MICA. Pour les nouveaux entrants, certaines règles sont particulièrement contraignantes, comme celles liées à la cybersécurité. Le coût de mise en conformité, en lien avec l'acteur et les services proposés, peuvent s'avérer lourds pour les FinTech.
Les récentes faillites dans le secteur des cryptomonnaies ont conduit à l'adoption de dispositifs, visant à réglementer davantage cette activité. La France fait donc bonne figure sur le chemin de la réglementation, avant la mise en place de MICA. Conscients que l'enregistrement renforcé va alourdir les délais d'obtention, les acteurs, désireux d'obtenir un enregistrement, avant la mise en place des nouvelles exigences, accélèrent le dépôt de leur dossier. Les régimes de l'enregistrement classique et renforcé seront applicables jusqu'à l'entrée en vigueur de la réglementation européenne, prévue fin 2024. La période transitoire est donc de 18 mois, à la fin desquels le régime français ne pourra plus s'appliquer. Pour être en conformité avec le règlement européen, d'autres changements pourraient voir le jour dans l'intervalle.